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MON MARIAGE

ni un lien dans le monde, il n’aurait rien de plus cher que sa jeune femme et sa famille. On me fit part de ces propositions.

Je demandai jusqu’au lendemain pour répondre, quoique mon parti fût pris sur-le-champ. J’écrivis un billet à madame O’Connell pour la prier de m’inviter à déjeuner chez elle, ce qui lui arrivait quelquefois, et de faire avertir le général de Boigne de m’y venir trouver. Il fut exact au rendez-vous ; et là je fis la faute insigne, quoique généreuse, de lui dire que je n’avais aucun goût pour lui, que probablement je n’en aurais jamais, mais que, s’il voulait assurer le sort et l’indépendance de mes parents, j’aurais une si grande reconnaissance que je l’épouserais sans répugnance. Si ce sentiment lui suffisait, je donnais mon consentement ; s’il prétendait à un autre, j’étais trop franche pour le lui promettre, ni dans le présent, ni dans l’avenir. Il m’assura ne point se flatter d’en inspirer un plus vif.

J’exigeai que cinq cents louis de rente fussent assurés, par un contrat qui serait signé en même temps que celui de mon mariage, à mes parents. Monsieur O’Connell se chargea de le faire rédiger. Monsieur de Boigne dit qu’alors il ne me donnerait plus que deux mille cinq cents louis de douaire. J’arrêtai les représentations que monsieur O’Connell voulut faire, en rappelant les paroles dont il avait été porteur. Je coupai court à toute discussion et je retournai chez moi pleinement satisfaite.

Ma mère était un peu blessée que je l’eusse quittée dans un moment où il s’agissait de mon sort. Je lui racontai ce que j’avais fait ; elle et mon père, quoique fort touchés, me conjurèrent de bien réfléchir. Je leur assurai que j’étais parfaitement contente, et cela était vrai dans ce moment. J’avais tout l’héroïsme de la première jeunesse. J’avais mis ma conscience en repos en disant à