Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome I 1921.djvu/162

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
155
VOYAGE EN ÉCOSSE

mode à Édimbourg, et qui n’a pas vécu dans la société sérieuse des insulaires britanniques ne sait pas l’importance de ce mot magique la mode. Monsieur de Boigne fut moins maussade que de coutume. L’aristocratie, lorsqu’elle était accompagnée de la fortune et de l’entourage d’une grande existence, lui imposait un peu, et il me ménageait parce qu’il me voyait accueillie par elle. À tout prendre, ce voyage a été un des plus agréables moments de ma jeunesse.

En revenant par le Northumberland, nous nous arrêtâmes à Alnwick, cette habitation des ducs de Northumberland si belle et si historique. Ils ont eu le bon goût de la conserver telle qu’elle était, ce qui n’en fait pas une résidence très commode par la distribution, malgré le luxe de chaque pièce en particulier. Autrefois, les ducs de Northumberland sonnaient une grosse cloche pour avertir qu’ils étaient à Alnwick et que leur hall était ouvert aux convives qui pouvaient prétendre à s’asseoir à leur table. Cette forme d’invitation a été remplacée par d’autres habitudes. Cependant la cloche est encore sonnée une fois par an, le lendemain de l’arrivée du duc à Alnwick, et tel est le respect des anglais pour les anciens usages que tous les voisins à dix milles à la ronde ne manquent pas de se rendre à cette invitation qu’on n’appuie d’aucune autre. Malgré l’égalité que professe la loi anglaise, c’est le pays du monde où l’on se prête le plus volontiers au maintien des coutumes féodales ; elles plaisent généralement. Au reste, je ne sais pas si la cloche d’Alnwick tinte encore, depuis trente ans que je l’ai entendue.

Nous nous arrêtâmes dans la magnifique résidence de lord Exeter, bâtie par le chancelier Burleigh, sous le règne d’Élisabeth, et qui a conservé son nom. Lord Exeter venait de se remarier, tout était en fête au château.