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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

fait chasser des casernes où elle allait prêcher l’insubordination aux soldats.

Quoique nous fussions très insolents, nous n’étions pas très braves, et, après cette scène qui fit du bruit, dont Fouché parla et pour laquelle madame de la Trémoille fut mandée à la police, nous fûmes en général fort polis pour les nouveaux chambellans. Il n’y avait guère que madame de Chevreuse qui se permit des incartades ; mais elle était si bizarre, si inconséquente en tout genre que cela passait pour un caprice de plus.

Quoique rousse, elle était extrêmement jolie, très élégante, pleine d’esprit, gâtée au delà de l’expression par sa belle-mère, et elle tenait dans la société une place tout à part qu’elle exploitait jusqu’au mauvais goût. Le duc de Laval l’appelait la fournisseuse du faubourg Saint-Germain. Il avait raison ; elle avait des façons de parvenue et abusait des avantages de sa position pour commander des hommages et distribuer des impertinences à quiconque voulait s’y soumettre. Toutefois, elle savait être très gracieuse quand il lui plaisait et, comme ma maison lui était agréable, je n’ai jamais eu à éprouver le plus petit caprice de sa part, si ce n’est à Grenoble l’année de sa mort. J’en parlerai plus tard.