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MADAME DU CAYLA

ses relations avec Louis XVIII, mille histoires scandaleuses ont surgi sur son compte. Je n’en avais jamais entendu parler ; elle était aussi agréable qu’on le peut être avec un teint horriblement gâté, assez spirituelle, fort désireuse de plaire. Elle vivait mal avec un mari plus que bizarre, mais était pleine de tendresse et de soins pour sa belle-mère dont elle était adorée.

Si j’avais été interrogée sur son compte à cette époque, je l’aurais représentée comme une jeune femme d’une très bonne conduite, même un peu prude et affichant une grande piété. Je me souviens qu’une fois où elle avait dansé dans un quadrille le mardi gras, elle se fit remplacer pour le répéter le samedi suivant quoique les sept autres femmes ne fissent aucune difficulté d’y reparaître.

Madame du Cayla soignait extrêmement les vieilles dames de la société de sa belle-mère et les évêques ou gens de la petite Église. Nous croyions qu’elle suivait son goût ; elle a prouvé depuis que l’esprit d’intrigue et le besoin de se faire prôner l’inspiraient. Elle ne manquait jamais de faire maigre et de jeûner avec ostentation, ce qui était beaucoup plus remarquable sous l’Empire que sous la Restauration. Peu de gens alors affichaient des pratiques extérieures, et on continuait les bals sans scrupule pendant les deux premières semaines du carême, mais on n’aurait pas passé la mi-carême.

Je me souviens que le comte de Palfy ayant eu la mauvaise pensée de donner un bal le vendredi saint, deux femmes seulement, même de la Cour impériale, s’y rendirent.

Ceci ramène ma pensée à la conversion de Jules de Polignac. Je n’ai jamais pu croire à la sincérité de sa dévotion et voici sur quoi se fonde mon incrédulité.

Il y avait à Lyon une riche héritière dont la mère était sous l’influence des prêtres de la petite Église : on appe-