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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

marier les filles ; la mesure des gardes d’honneur vint à son tour atteindre les fils des familles aisées. Elle tombait sur les jeunes gens de vingt-cinq à trente ans qui, ayant échappé ou satisfait à la conscription, devaient se croire libérés. Évidemment, ils n’avaient pas de goût pour la carrière militaire puisqu’ils ne l’avaient pas suivie dans un temps où tout y appelait. La plupart étaient établis et mariés ; c’était une calamité imprévue qui bouleversait leur existence. Les préfets avaient l’ordre de la diriger principalement sur les familles qu’on croyait mal disposées pour le gouvernement. On laissait entrevoir assez clairement que l’Empereur voulait avoir entre les mains un certain nombre d’otages contre le mauvais vouloir. C’était, pour le coup, une idée renouvelée des grecs ; car on prêtait à l’Empereur d’avoir rappelé qu’Alexandre en avait agi ainsi avec les macédoniens, avant de s’enfoncer dans l’Asie. Cette légion fut formée au milieu des larmes, des imprécations et des haines de tous les éléments les plus propres à ressentir de la désaffection contre le pouvoir impérial. Elle rejoignit l’armée, pour la première fois, en Saxe en 1813, assista à la désastreuse bataille de Leipsick, subit la pénible retraite de Hanau, fut détruite par la maladie des hôpitaux à Mayence. On la licencia, mais elle eut à se reformer immédiatement.

Les gardes d’honneur servirent pendant la campagne de France en 1814 et furent écrasés à l’affaire de Reims. Certes, si jamais troupe a souffert, c’est celle-là ! Elle ne pouvait même embellir ses souvenirs de la mémoire d’un succès. Hé bien ! elle a été la plus longuement fidèle à Napoléon. Elle n’a pris que tard et difficilement la cocarde blanche et a revu les Cent-Jours avec joie ; ceux qui la composaient sont restés longtemps impérialistes. Après cela, établissez des principes et tirez des conséquences ! Il n’en est pas moins vrai que, malgré l’ardeur