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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome I 1921.djvu/319

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

plus l’apparence d’un capitaine de forbans que d’un pacifique écrivain ; ce costume lui valut quelques ridicules, même aux yeux de ses admirateurs les plus dévoués.

Je ne sais plus quel jour de cette semaine aventureuse un de mes parents m’assura connaître un officier qui disait avoir reçu, le jour de la bataille de Paris, l’ordre, apporté par monsieur de Girardin, de faire sauter le dépôt de poudre des Invalides. Cela se répéta dans mon salon et parvint aux oreilles de monsieur de Nesselrode ; il me demanda si je pouvais savoir le nom de cet officier et obtenir des détails sur cette aventure. J’appelai la personne qui l’avait racontée. Elle répéta que monsieur de Lescour, officier d’artillerie commandant aux Invalides, avait été appelé le mardi soir à la brume, à la grille de l’hôtel, qu’il y avait trouvé monsieur le comte Alexandre de Girardin à cheval et couvert de poussière, qu’il lui avait donné l’ordre formel, de la part de l’Empereur, de faire sauter les poudres ; que monsieur de Lescour n’ayant pu retenir un mouvement d’horreur, monsieur de Girardin lui avait dit :

« Est-ce que vous hésitez, monsieur ? »

Lescour, craignant alors qu’un autre ne fût chargé de la fatale commission, s’était remis, et avait répondu :

« Non, mon général, je n’hésite jamais à obéir à mes chefs. »

Que, sur cette réponse, monsieur de Girardin était reparti au galop. On offrait, au reste, de m’amener monsieur de Lescour le lendemain matin. Monsieur de Nesselrode me pria d’y consentir. Le duc de Maillé, présent à ce récit, se rappela avoir vu monsieur de Girardin sur le pont Louis XVI, le jour et à l’heure indiqués, passant à cheval très vite et avoir été étonné de lui voir tourner à droite, en effet, du côté des Invalides.