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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome I 1921.djvu/325

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

« Ah ! Drouot, il me faudrait dix hommes comme vous !

— Non, Sire, il vous en faudrait cent mille. »

Cette noble réponse coupa court au plan de campagne.

Le duc de Raguse était sous le poids de ses souvenirs et de bien pénibles impressions, lorsque arriva près de lui monsieur de Montessuis. Il avait été son aide de camp et était resté dans sa familiarité, quoique devenu très exalté royaliste. Il lui apportait les documents et proclamations publiés dans Paris : la déchéance de l’Empereur par le Sénat, les ordres du gouvernement provisoire et enfin des lettres de plusieurs personnes ralliées à ce gouvernement qui engageaient le maréchal à suivre leur exemple : le général Dessolles, son ami intime, monsieur Pasquier, dont il connaissait l’honneur et la probité, étaient du nombre. On lui faisait valoir l’importance de donner sur-le-champ une force armée quelconque au gouvernement provisoire, afin qu’il pût siéger au conseil des étrangers d’une façon plus honorable ; et on lui insinuait plus bas que cette même force permettrait de faire des conditions à la famille que le sort semblait rappeler au trône de ses ancêtres.

Montessuis faisait sonner bien haut le nom de Monk et le rôle de sauveur de la Patrie. Il montrait au maréchal la France le bénissant des institutions qu’elle lui devrait et l’armée le reconnaissant pour son protecteur. De l’autre côté, il se rappela les paroles extravagantes de l’Empereur, il conçut la funeste pensée de le sauver malgré lui et eut la faiblesse de s’en laisser séduire.

Cependant il assembla les chefs de corps, plus nombreux que la force de son armée ne le comportait ; il leur soumit les propositions qu’on lui faisait, et la position où ils se trouvaient. Tous, à l’exception du général Lussot, opinèrent pour se soumettre au gouvernement nouveau. Monsieur de Montessuis fut chargé d’établir