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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

défendu en partant pour Paris. Le maréchal se jeta dans une calèche qui se trouvait tout attelée dans la cour du maréchal Ney. À la barrière, on lui refusa le passage ; il fallut retourner à l’état-major de la place ; on le renvoya au gouverneur de la ville. Bref, il perdit assez de temps à se procurer un passeport pour qu’il arrivât un second aide de camp, le colonel Denis. Il annonça que, malgré la parole donnée à Fabvier de l’attendre, les chefs avaient mis la troupe en route dès qu’il avait été parti, que lui, Denis, l’avait accompagnée jusqu’à la Belle-Épine, qu’elle y avait pris la route de Versailles où elle devait être près d’arriver, le mal était fait et irréparable.

Le maréchal Marmont resta à Paris ; il y apprit la fureur de son corps d’armée lorsqu’il avait su pour quelle cause il se trouvait à Versailles. Il s’y rendit immédiatement ; la troupe en était déjà partie, en pleine révolte pour retourner à Fontainebleau. Il courut après elle, l’arrêta, la harangua, la persuada et la ramena à Versailles, ayant fait en cette circonstance une des actions les plus énergiques, les plus difficiles et les plus hardies qui se puissent tenter.

Voilà la vérité exacte que j’ai pu recueillir en constatant tous les faits sur la défection de Marmont. On voit qu’elle se borne à avoir entamé des négociations à l’insu de l’Empereur.

Pour être complètement impartiale, j’avouerai qu’il a eu d’autres torts. Le maréchal Marmont est le type du soldat français ; bon, généreux, brave, candide, il est mobile, vaniteux, susceptible de s’enthousiasmer et le moins conséquent des hommes. Il agit toujours suivant l’impulsion du moment, sans réfléchir sur le passé, sans songer à l’avenir. Il se trouva placé sur un terrain où tout ce qui l’entourait applaudissait à l’action dont on le supposait l’auteur et lui en vantait l’importance. Partout