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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome I 1921.djvu/345

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

paroles affectueuses encore plus que protectrices. Après cette scène du dîner, il alla à Saint-Leu et l’accueil qu’il recevait des gens qu’il détrônait le touchait d’autant plus qu’il le comparait à ce qu’il appelait l’ingratitude des autres. La visite à Compiègne acheva cette impression ; nous y arriverons bientôt.

Monsieur reçut les femmes. Tout ce qui voulut s’y présenta, jusqu’à mademoiselle Montansier, vieille directrice de théâtre qui, dans la jeunesse du prince, avait été complaisante pour ses amours ; mais la joie sincère de la plupart d’entre nous couvrait, du reste, ce manque d’étiquette.

Les salons des Tuileries virent réunir les personnes séparées jusque-là par les opinions les plus exagérées. Nous fîmes de grands frais pour les dames de l’Empire. Elles furent blessées de nos avances dans un lieu où elles étaient accoutumées à régner exclusivement et les traitèrent d’impertinences. Dès qu’elles ne se sentirent plus seules, elles se crurent brimées ; cette impression était excusable de leur part. De la nôtre pourtant, l’intention était bonne ; nous étions trop satisfaites pour n’être pas sincèrement bienveillantes. Mais il y a une certaine aisance, un certain laisser aller dans les formes des femmes de grande compagnie qui leur donnent facilement l’air d’être chez elles partout et d’y faire les honneurs. Les autres classes s’en trouvent souvent choquées ; aussi les petitesses et les jalousies bourgeoises se réveillèrent-elles sous les corsages de pierreries.

Monsieur réussit mieux que nous. Il fut charmant pour tout le monde, dit à chacun ce qu’il convenait, tint merveilleusement cette Cour hétéroclite, y parut digne avec bonhomie et enchanta par ses gracieuses façons.

Il y eut une représentation solennelle à l’Opéra, où assistèrent les souverains alliés ; ils s’étaient mis tous