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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome I 1921.djvu/423

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

celle qu’elle m’envoie. Adieu, chère maman ; j’embrasse père et mère.


jeudi, 29 août.

Je vous remercie, mon cher papa, des soins que vous vous donnez pour faire mes commissions et, qui plus est, je ne vous en demande pas pardon, mais je voudrais bien avoir mon cheval et surtout qu’il soit joli et bien doux car je n’ai pas la prétention de devenir écuyer mais seulement de me promener sagement sur un joli cheval. Dites, je vous prie, à monsieur Lessée de s’en occuper et, s’il en trouve un, je voudrais que vous l’essayassiez vous-même. — Je suis bien aise que vous ayiez parlé de moi à l’abbé Delisle ; je sais qu’il devait aller chez monsieur de Boigne et je me flatte que, pour lui au moins, je ne serai pas un objet de terreur quoique, probablement, d’après la société où il vit, il soit prévenu contre moi, ma hauteur et mon impolitesse. Je m’efforcerai de lui prouver que ces dames s’écartent parfois du chemin de la vérité ; au surplus, elles pourraient bien rechanger d’opinion car elles virent de bord facilement quoique gauchement, ah, docteur, pour un docteur d’esprit !… j’en reviens à mon opinion : le suffrage de certaine personne m’avilirait dans ma propre estime. — Mon rhume est resté très fidèlement dans ma tête jusqu’à présent, et je prends les plus grandes précautions pour qu’il ne voyage pas jusque dans ma poitrine, car, comme vous, je craindrais beaucoup une maladie quelconque qui se fixerait maintenant dans cette partie, quoique je ne sente plus du tout de douleur dans la poitrine. — Il me semble que notre bon oncle nous annonce la décision du roi de Prusse depuis trop longtemps pour que je puisse y croire ; avec cela, les succès toujours croissant des Alliés pourraient bien le décider à s’unir à eux. Ne craint-on pas que la flotte rentrée à Brest n’en sorte pour attaquer l’Irlande ? il me semble que cela est fort à redouter ; on a beau la bloquer, elle s’est déjà esquivée plus d’une fois. — On fait la moisson dans ce pays-ci, et je doute que la pluie y soit favorable ; cependant, ce matin, j’ai pris un épi point remarquable pour sa