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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/108

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CHUTE DE LA MONARCHIE D’ORLÉANS

Bien des gens alors se persuadèrent la crise finie ; mais ce n’était pas le compte des entrepreneurs de ce fatal mouvement. L’avènement de monsieur Molé ne répondait pas à leurs vues. Néanmoins, on pouvait espérer quelques moments de trêve.

Je dînai ce jour-là chez madame de Châtenay, dans la place Louis XV. On avait enfin fait venir quelques troupes ; elles bivouaquaient sur la place. Il y en avait aussi devant l’hôtel du ministère des affaires étrangères, où stationnaient des groupes moins nombreux, mais plus mal disposés, malgré la concession obtenue le matin.

Monsieur de Salvandy devait dîner avec nous ; il apporta lui-même ses excuses. Il lui fallait préparer ses paquets. Sa confiance de la veille était bien dissipée ; et nous, en revanche, nous sentions moins effrayés.

Le chancelier vint en visite le soir. Il sortait de chez monsieur Molé, où le Roi l’avait envoyé pour s’entendre avec lui de la composition du ministère. Monsieur Molé espérait encore réussir à le former ; il attendait des réponses. Il craignait de n’avoir pas monsieur Thiers, quoique ayant renoncé à ce qu’il y eût un président du conseil ; mais il espérait au moins monsieur de Rémusat, comme représentant de cette coterie politique.

Ce fut en me ramenant chez moi, vers les dix heures, que le chancelier me raconta ces détails. Il devait retourner chez monsieur Molé et, de là, aux Tuileries, pour rapporter au Roi où en étaient les négociations pour la formation du nouveau cabinet. Pendant la route que nous faisions ensemble, il me parut voir des gens fuyant sur la place Malesherbes.

En arrivant chez moi, je trouvai tous mes gens très effarés, groupés sur l’escalier, s’informant de ce qui se passait. Ils avaient entendu une vive fusillade et beaucoup de cris d’effroi.