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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

pu encore accomplir les promesses faites par monsieur le duc d’Aumale en lui portant l’assurance qu’elles le seraient incessamment, au plus tard immédiatement après la session.

Le Roi insista beaucoup sur le prix qu’il attachait à ce message, confié à la prudence et à la discrétion d’Horace Vernet.

Celui-ci voulut encore attirer l’attention du monarque sur la situation actuelle de Paris, mais il lui fut répondu : « Soyez tranquille, mon cher Horace ; c’est un feu de paille ; il s’éteindra de lui-même en n’y apportant pas d’obstacles. Il ne sera pas même nécessaire, j’espère, de souffler dessus. » J’ignore comment cette belle sécurité fut troublée.

Les cris de : « À bas Guizot, à bas les ministres ! » furent hurlés, par quelques centaines de personnes, aux grilles des Tuileries, et, quoiqu’ils fussent plus faiblement accompagnés de celui de : « Vive le Roi ! », ils portèrent l’effroi dans le palais, surtout, je crois, parce qu’on distingua quelques uniformes de gardes nationaux parmi ces braillards.

Bientôt après, monsieur Duchâtel, appelé de la Chambre des députés, où il était en séance, fut introduit auprès du Roi. Il le trouva fort accablé. « La Reine, lui dit-il, désirerait vous parler chez elle. »

Monsieur Duchâtel s’y rendit aussitôt. La Reine, toute en larmes, le supplia de donner une dernière preuve de dévouement au Roi en obtenant la démission de monsieur Guizot dont l’impopularité devenait trop compromettante. Monsieur Duchâtel se chargea d’effectuer la dissolution du ministère, et retourna au Palais-Bourbon.

Peu d’instants après, monsieur Guizot déclara sa retraite, en annonçant que Sa Majesté avait fait appeler monsieur Molé pour former un autre cabinet.