Aller au contenu

Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/155

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
152
MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

mon silence, tantôt sur mes larmes, tantôt sur ma fausseté si je cherche à vaincre l’un et l’autre. Il me fait les menaces les plus effrayantes, m’assure qu’il emploiera tous les moyens possibles pour détruire ma réputation, m’assure que je ne reverrai l’Angleterre que déshonorée ou soumise. Qu’entend-il par-là ? je l’ignore : voilà, mon père, le sort de votre enfant. Vous jugez bien à mon style qu’il est sorti. Je tremble qu’il ne rentre ; quoiqu’il n’ait encore vu aucune de nos lettres réciproques, il peut le demander d’un moment à l’autre ; ainsi, que votre circonspection ne se démente pas. Vous êtes obéi : j’ai parlé. Je vais cacheter ma lettre au plus vite sans même la relire. — On dit que nous partons aujourd’hui. Si vous n’avez pas de lettre demain, n’en doutez pas. Adieu, mes amis, peut-être… mon cœur saigne. Quel funeste peut- être ! Adieu.


Vendredi [22 novembre].

Nous partons dans la minute, chère maman. Je vous avais écrit une longue lettre hier, qu’on a brûlée, égarée… je ne sais, et je n’ai plus le temps de vous rien dire, si ce n’est que j’ai reçu votre lettre du 6 novembre et que nous partons pour Copenhague par une neige affreuse. Cependant, chère maman, ne vous inquiétez pas si vous ne recevez pas de mes nouvelles. Je suis furieuse que ma lettre soit perdue. — Adieu, je ne puis que vous embrasser tendrement avant de partir ; sans cela nous n’arriverions qu’à la nuit, ce qui serait fort imprudent.