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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/17

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

disait-elle en souriant à demi, je m’y attends ; mais je ferai ma paix en lui assurant que l’inquiétude me serait bien autrement pernicieuse que la fatigue de la route. »

Elle navrait le cœur de tous ceux qui l’entouraient par ses paroles. Ils ne firent aucune objection à son départ précipité qui se trouva accompli presque instantanément. Tant de célérité et les figures consternées, impossibles à dissimuler auraient peut-être dû l’éclairer ; mais il est des douleurs si grandes que le cœur se refuse à les deviner. Il faut en assommer les personnes destinées à les subir.

Madame la duchesse d’Orléans, quoique suffisamment tourmentée pour partir, ne l’était point assez pour négliger son métier de princesse royale. Elle s’occupa des souvenirs qu’elle voulait laisser à Plombières, prit congé de chacun, avec sa grâce accoutumée, promettant un prompt retour dans un lieu où elle se plaisait autant et qui lui était si salutaire. Elle s’engageait à y revenir avec celui que, hélas ! tout le monde, hormis elle, savait ne plus revoir.

Cependant, à peine en route, il sembla que ses alarmes s’accroissaient. À la vérité, personne ne cherchait à les combattre. Enfin, vers le milieu de la nuit, sa voiture s’arrêta ; monsieur de Chabaud-Latour ouvrit la portière. Les lanternes portèrent sur la figure du docteur Chomel, placé derrière lui. L’aspect du médecin de monsieur le duc d’Orléans, qui ne l’aurait pas quitté s’il n’était que malade, servit d’une complète révélation : « Monsieur Chomel ! s’écria-t-elle. Ah ! mon Dieu, il est mort. »

Les sanglots des assistants répondirent seuls à ce cri déchirant, et l’on peut penser quelle scène de désespoir il précédait.

Au point du jour, le voyage fut de nouveau interrompu