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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/18

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MORT DU DUC D’ORLÉANS

par la rencontre des deux princesses, accourant au-devant de leur infortunée belle-sœur. Elles montèrent dans sa voiture et reprirent une route où la sympathie de la population entière leur servait d’escorte.

De son côté, monsieur le duc de Nemours, ordinairement très calme, était arrivé à Neuilly dans un état d’excitation si grand que ses frères, d’Aumale et Montpensier, durent soutenir une lutte manuelle contre lui pour l’empêcher de forcer la porte de l’appartement où les chirurgiens procédaient à la triste exploration dont les morts deviennent l’objet.

La violence de ses cris, retentissant dans le silence du palais, attirèrent le Roi et la Reine à qui on voulait dérober l’horreur d’un si cruel détail, et sa mère seule eut le crédit d’éloigner monsieur le duc de Nemours de cette porte qu’il prétendait forcer : « Je veux voir Chartres ; s’écriait-il, je veux embrasser Chartres… ce n’est pas vrai… il ne peut pas être mort… »

La Reine le saisit par le bras et l’entraîna chez elle. Rien ne lui a été épargné ! Jamais douleur plus profonde n’a été plus expansive que celle de ce prince, si froid en apparence ; son explosion n’en a pas diminué l’intensité. La mort de monsieur le duc d’Orléans a laissé dans son cœur un vide que rien ne saurait combler.

La désolation ne s’arrêtait pas au seuil du palais ; elle était générale. Par un mouvement spontané, les spectacles se fermèrent et personne ne se présenta à leurs portes.

Depuis quelques années, monsieur le duc d’Orléans s’était appliqué à beaucoup semer, et la récolte se montrait plus abondante que nous ne le savions. Plein d’esprit, de talents, de connaissances variées et approfondies ; il était, de plus, charmant d’extérieur, libéral, généreux, magnifique.