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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/208

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CORRESPONDANCE

Monsieur de Stolberg connaît madame de Werthern ; il m’en a parlé comme d’un ange ; comme chacun a son histoire, celle de ce jeune homme est que sa femme, fille du feu roi de Prusse, s’étant sauvée de chez lui avec son secrétaire, il s’est battu avec lui, l’a tué et maintenant est obligé de fuir tandis que la comtesse est enfermée dans la citadelle de Wurtzbourg par ordre de son frère : où donc est le bonheur dans ce monde ? J’ai trouvé assez plaisante cette réunion de ménages malheureux à Nyborg.

Dimanche 26.

Le temps affreux qu’il fait retient monsieur de Boigne ici depuis deux jours. Il partira aussitôt que cela lui sera possible. — Il est arrivé hier un général danois qui n’a quitté Londres qu’il y a un mois ; il a passé par Calais ; il est venu chez moi ce matin et m’a dit qu’en traversant la France il n’avait reçu que des attentions et des politesses les plus marquées des mêmes gens qui l’insultaient il y a cinq ans, que les postes étaient servies à merveille et les auberges comme en Angleterre ; il n’avait point d’armes sur sa voiture mais il dit que cette précaution est devenue inutile ; il doit me donner des gazettes anglaises qu’il attend aujourd’hui, ce qui me fera bien grand plaisir. Comme il est directeur des postes, il m’a proposé de faire ouvrir la malle pour me procurer la lettre mais, malheureusement, elles sont sous le couvert de monsieur Duntzfelt, ce qui me disappoint cruellement. — Par mon ignorance de la langue des danois et la très grande difficulté de trouver un interprète, j’ai manqué une poste, ce qui me décide à fermer ma lettre aujourd’hui afin qu’à quelque heure qu’arrive la poste elle puisse s’en charger. — La solitude entière où je me trouverai pendant quinze jours au moins ne m’effraie pas