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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/295

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

transporter et de changer le lieu, la scène, rend la méchanceté et la bassesse plus actives. Je me rappelle le temps où j’aurais rendu impertinence pour impertinence, où mon honnête véracité ne m’aurait pas permis d’exprimer ce que mon cœur ne sentait pas, où… mais les temps sont bien changés, certainement. Je sais bien qu’il entre un peu d’indifférence dans mes sentiments, et, comme je crois beaucoup moins aux avances, je suis bien plus difficilement choquée. Avec cela, si je suivais l’impulsion de mon cœur, je n’irais pas chez lady Bective. Le général prétend que je dois sa visite aux politesses de la duchesse ; cela ne m’étonnerait pas. À propos de la duchesse, que voulez-vous que je fasse ? Je crains sa timidité ; je crains surtout qu’elle me trouve « entrante » : Des femmes de ma nation et de mon espèce se sont, de leur propre aveu, conduites envers elle d’une manière si peu noble ! J’aime encore mieux qu’elle me trouve réservée que toujours prête à tout accepter, même ce qu’on ne me propose pas. — Hier au soir, j’ai été chez l’évêque ; il dînera chez moi demain avec tous ses enfants. C’est une bonne et aimable famille ; ils ont l’air si heureux qu’ils me font envie. — Mon paquet sera arrivé trop tard ; je m’informerai aujourd’hui de la manière de le faire parvenir ici par quelque voiture publique et je vous le manderai. — Lady Augustus Frederich remplacera lady Elisabeth Foster qui reste quelques jours de plus que la duchesse. Je suis bien aise, chère maman, que la timidité naturelle que je destine à cette dame vous ait amusée ; elle est, au surplus, jolie comme un ange ; je l’ai rencontrée hier et j’ai trouvé que le sérieux lui allait beaucoup mieux que le giggling de l’autre jour. — Vous ne me parlez pas de la santé de madame O’Connell ; comment est-elle ? Pauvre femme ! dites-lui combien ma tendre amitié est occupée d’elle. — Mille choses à