Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
27
MORT DU DUC D’ORLÉANS

tres… N’était-ce pas assez de trois jours à en faire un spectacle pour amuser la multitude ! »

Je me hasardai à lui dire qu’il y avait peu de sa justice accoutumée dans cette expression ; sa trop légitime douleur trouvait de l’écho dans tous les cœurs.

« Oui, ma chère, c’est vrai, on aime Chartres… Je le sais… Je le sais… j’ai tort… mais que voulez-vous ?… Et puis c’est la pensée de Chartres. Il a toujours détesté la représentation, les étiquettes dans l’intérieur de la famille, et qu’est-ce qui appartient plus à la famille qu’un pareil malheur ? »

Son irritation s’étant un peu apaisée, elle me raconta alors cette cruelle matinée du 13, aussi bien que la promenade de la veille au soir, où elle avait sollicité le retour à Neuilly :

« J’entends toujours Chartres me dire : « Hé bien, chère majesté, puisque vous le voulez, je reviendrai demain matin ! »… et je l’ai voulu… et il y est venu… comme il est là ! » en désignant le côté de la chapelle.

La Reine pleurait beaucoup par instants ; mais évidemment ces larmes convulsives ne la soulageaient pas, l’excitation était trop grande. Elle s’asseyait un instant et se relevait presque immédiatement pour reprendre la marche perpétuelle que l’agitation lui imposait.

On vint l’avertir que le conseil finissait ; elle me quitta précipitamment. Je lui demandai la permission de revenir le lendemain parce qu’elle m’avait dit que mes paroles lui avaient été salutaires.

« Non, ma chère, ne venez pas, cela se saurait et me causerait des difficultés… Je ne veux… je ne peux voir personne par obligation… Ne revenez pas avant le départ de Chartres… »

Ces mots, qui échappèrent à la constante préoccupa-