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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

On peut donc conjecturer, sans aucune témérité, que la régence lui apparaissait au nombre des devoirs qui lui restaient à remplir. Éprouva-t-elle toujours du soulagement à en avoir été éloignée ? C’est ce que personne ne saurait affirmer ; mais elle n’en témoigna aucun regret et accepta sans réclamations la place assignée par les volontés de son mari.

Ne pouvant parvenir jusqu’aux princesses, je retournai à la campagne et, craignant que mon assiduité ne devînt importune, je ne reparus à Neuilly que la semaine suivante.

Je le regrettai lorsque Lapointe me dit que la Reine ne m’avait pas reconnue à ma dernière visite, ce qui s’explique par son agitation, par le lugubre costume dont nous étions toutes semblablement enveloppées et par l’obscurité que la chaleur imposait.

Il avait ordre de la prévenir lorsque je me présenterais. Je n’étais pas préparée à l’idée de la voir et je fus tentée de me sauver, sous prétexte de discrétion. Lapointe ne me le permit point. J’attendis donc la sortie de la reine Christine, admise pour la première fois auprès de sa tante, et je fus introduite dans le salon.

Il me serait impossible de raconter les premiers moments de cette cruelle entrevue ; j’étais trop troublée pour conserver le souvenir des détails.

Je suppose que la reine d’Espagne avait employé ses soins à obtenir de la Reine d’abréger l’horrible existence qu’elle imposait à tous les siens, car je la trouvai encore toute irritée, et elle continua vis-à-vis de moi à se refuser à des sollicitations que j’avais dans le cœur, mais que je n’avais pas eu le temps de formuler.

« On aurait beau faire, on n’obtiendrait pas du Roi de lui manquer de parole ; et elle ne céderait pas une seule des heures où il lui était permis de garder Char-