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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/88

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MORT DE MADAME ADÉLAÏDE

véritable dépêche ministérielle. Elle contenait huit pages d’une écriture très propre et très rangée qui commençait par ces lignes :

« Comme vous êtes la personne que je considère et aime le plus et dont je veux emporter l’approbation, je dois vous expliquer ma conduite. Je renonce à aller au Havre où je voulais me jeter à la mer avec mes enfants, mais on aurait peut-être essayé de nous sauver ; je pense mieux et plus sûr d’en finir ici. Quand vous recevrez cette lettre, nous n’aurons plus à souffrir de la honte et du malheur d’avoir une pareille femme et une pareille mère. Ni eux ni moi n’existeront plus… »

Après la scène de la veille, rien ne me paraissait impossible. Je me précipitai sur la sonnette, je donnai l’ordre de mettre mes chevaux et, ne pouvant me soutenir sur mon pied, j’envoyai chercher le desservant de la chapelle expiatoire, l’abbé Berlèse, fort mon ami, aussi bien que celui de monsieur Mortier dont il avait béni le mariage.

Au moment même, un domestique de monsieur Mortier arriva tout essoufflé redemander sa lettre. Je l’interrogeai. Ce n’était qu’un prétexte pour se débarrasser de la dernière personne restant chez lui.

J’appris l’absence de la bonne des enfants, envoyée en commission. Il me dit que son maître lui avait paru fort agité et qu’il avait entendu fermer la porte à double tour derrière lui.

Je lui recommandai de retourner le plus vite possible et je le fis accompagner par mon valet de chambre, pour me rapporter des nouvelles.

L’abbé arriva ; ma voiture était attelée ; je lui mis la lettre dans la main en lui disant de la lire en route, d’agir selon les circonstances et de se faire ouvrir en s’annonçant comme porteur de ma réponse. Soit qu’il ne