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de rues qui doivent leur nom à des enseignes est-il considérable ; et l’on peut être à peu près certain que tous les noms dont l’étymologie est restée inconnue dérivent de là : rue de l’Arbre-Sec, rue Cloche-perce (la cloche percée), rue de l’Homme-armé, rue de la Femme-sans-tête (tout en est bon), rue du Bout-du-Monde (un bouc, un due, un monde), rue du Cherche-Midi (un cadran devant lequel des badauds cherchaient midi à quatorze heures), etc.

Tel est le système de nomenclature primitif, le seul vrai, le seul logique et significatif, car il tient à la nature même des choses et représente tout simplement l’affirmation d’un fait dont plus tard, quand le fait lui-même a disparu, le souvenir ainsi conservé a bien encore son importance et son intérêt.


PREMIERS ESSAIS DE NOMENCLATURE OFFICIELLE.


L’usage d’imposer aux rues de Paris des noms étrangers à leur essence même, soit à titre de simple étiquette, soit à titre honorifique, ne remonte pas au delà du règne de Henri IV et des grands projets d’embellissements que ce prince avait conçus pour sa capitale[1]. En sa qualité de grand voyer de France, Sully prit, de concert avec le prévôt des marchands et les échevins, la direction de ces travaux d’édilité, et il semble tout naturel de donner aux rues et places nouvellement créées les noms, d’ailleurs très populaires, du roi et des princes de sa famille. De là les dénominations de la rue et de la place Royale, de la rue et de la place Dauphine, de la rue d’Anjou (premier titre de Gaston d’Orléans), de la rue Christine (seconde fille du roi), etc. En même temps, tout un quartier neuf était projeté sur les marais du Temple, dont les rues, portant les noms des provinces de France, devaient aboutir en éventail à la place monumentale et à la Porte de France (ancienne Porte du Temple). De ce grand projet, il n’est resté que la nomenclature provinciale, encore subsistante dans le quartier du Marais[2].

  1. Je sais qu’on cite deux exemples antérieurs : la rue Françoise, ainsi nommée, dit-on, en l’honneur de François Ier, qui la fit ouvrir sur les ruines de l’hôtel de Bourgogne en 1543 ; mais, sur tous les plans et dans tous les titres du xvie siècle, cette rue est dite rue Neuve ou rue de Bourgogne ; plus tard seulement rue Neuve-Saint-François, et enfin rue Françoise. (Note de J. Cousin.)
  2. Voyez l’intéressante étude de M. G. Fagniez sur ce magnifique projet dans le Bulletin de la Société de l’Histoire de Paris, t. XXIV (1897), p. iii, et la jolie reproduction de la planche de Châtillon, qui l’accompagne.