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Page:Mémoires de la société historique et archéologique du Vexin, tome XVIII, 1896.djvu/127

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C’était un nommé Grimbert, afficheur et jardinier de M. Pique, huissier à Luzarches, qui, pour son patron absent, gardait sa maison de campagne située à peu de distance du bois de Tremblay, dans le voisinage immédiat duquel le « Général Uhrich » avait atterri. Grimbert allait dans les champs pour faire une récolte de pommes et poussait une brouette sur laquelle se trouvaient les sacs qu’il avait l’intention de remplir.

En s’aidant de la brouette et en faisant plusieurs voyages pour ne pas éveiller l’attention, on eut bientôt transporté les pigeons et les dépêches dans la maison de M. Pique, où l’équipage du « Général Uhrich » se trouva réuni quelques minutes après le premier coup de soupape. Grimbert alluma un bon feu dont les quatre fugitifs avaient un sensible besoin, mais la position était déplorablement critique :

En effet, située sur la route nationale de Creil à Paris, Luzarches était un lieu de passage très fréquenté par les troupes qui venaient du Nord et par les convois de vivres destinés au ravitaillement de l’armée d’investissement. La ville était occupée par un fort détachement de Bavarois, qui avait établi des observatoires et barricadé l’entrée du pays, du côté de Paris, en y établissant un poste de surveillance.

Grâce au brouillard, les Allemands ne s’étaient aperçus de rien, mais bien que l’on pût se fier à toute la population, il fallait agir avec prudence et rapidité. On commença par donner aux deux francs-tireurs des vêtements de paysans. Après leur avoir enseigné la route à suivre, on les dirigea du côté où ils avaient le plus de chance d’échapper aux patrouilles de l’ennemi. C’étaient deux hommes alertes et intelligents, qui parvinrent en peu de temps à Tours. En effet, le 24 novembre, ils se présentaient dans le bureau de M. Steenackers demandant des dépêches que l’on s’empressa de leur donner.

Ils partirent aussitôt pour leur dangereuse entreprise, mais M. Steenackers nous apprend, dans un passage de son intéressant ouvrage, qu’ils n’ont pas réussi. Les aventures de ces braves messagers étaient rapportées avec détail dans un rapport qui a été malheureusement perdu comme tant d’autres fort intéressants.

Grimbert, aidé de quelques habitants, ainsi que de l’aéronaute et du colombophile, cacha le ballon dans le bois de Tremblay, de manière qu’il ne fût pas exposé à être vu par les Allemands, ce qui aurait eu les conséquences les plus désastreuses pour ce pays. En effet les ennemis avertis de la descente par ce témoin irrécusable, auraient pratiqué des visites domiciliaires, imposé une amende à la ville et envoyé quelques habitants dans les forteresses de l’autre côté du Rhin. On amena successivement chez M. Pique le filet, la nacelle et le ballon.