Page:Mémoires du Baron Haussmann, tome 1.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À défaut d’enfant de son union avec le Colonel, la Baronne Dudevant, avait toléré, par bonté d’âme, l’installation et l’éducation, dans le domicile conjugal, d’un fils naturel de celui-ci, né précédemment de quelque pastoure ou fille de service, qu’il réussit à faire accepter comme époux de Mlle Aurore Dupin, de Nohant (Indre), descendante irrégulière du Maréchal de Saxe, mais fortunée : — Mme George Sand.

Quand, après son mariage, cette jeune femme vint demeurer à Guillery, elle ignorait, paraît-il que la Baronne ne fût pas sa belle-mère. C’est par le bavardage d’une servante qu’elle sut la basse extraction de son mari. De plus, toujours suivant son dire, ce dernier, chassant de race, montrait les goûts peu distingués qu’avait eus le baron, son père, dans ses amours très éclectiques, — à l’exemple du jeune Roi de Navarre. — Il était, d’ailleurs, grossier, brutal même, envers sa jeune femme, et (pour ce dernier motif, qu’après des vicissitudes d’existence inutiles à mentionner, elle invoqua) fut prononcé, contre le mari, qui s’en défendait, un jugement de séparation de corps, laissant à la mère la garde de leurs deux enfants. Je fus très surpris, sans le laisser voir, lorsque Mme George Sand m’apprit cette particularité.

La pauvre baronne Dudevant morte, le fils du Baron, qui portait déjà son titre, et dont, je le suppose, la situation et les droits héréditaires avaient été régularisés d’une façon quelconque, prit possession de Guillery, pour en faire sa résidence.

Il s’y trouvait depuis quelque temps, et venait d’être investi des modestes fonctions de Maire de Pompiey, jadis exercées par son père, quand se produisit, tout à coup, l’incident que voici.