Page:Mémoires du Baron Haussmann, tome 1.djvu/147

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Un matin, comme je faisais ma toilette, de très bonne heure, selon mon habitude, j’entendis le fracas d’une calèche de poste qui s’arrêtait sur la place d’Armes, devant la Sous-Préfecture. On me remit bientôt une carte portant le nom d’un avoué de Paris. Je m’empressai d’aller le recevoir dans mon cabinet. Il m’annonça qu’il accompagnait Mme la baronne Dudevant, plus connue sous son nom littéraire de George Sand, autorisée, par une ordonnance de référé du Président du Tribunal Civil de la Seine, M. Debelleyme, à rechercher et à reprendre sa fille Solange, — depuis, Mme Clésinger, — enlevée de Nohant pendant son absence, par le baron, qui devait l’avoir conduite à Guillery, mais qu’on soupçonnait du dessein de l’emmener en Espagne, pour la soustraire à l’action de la Justice française.

Comme je lui demandais en quoi cette affaire pouvait me concerner, il me remit une lettre écrite de la main du Ministre de l’Intérieur, m’invitant à prêter mon concours le plus entier à l’entreprise de Mme George Sand, et un billet de ma sœur, Mme Artaud, me priant d’accueillir cette mère désolée, comme une amie littéraire de son mari.

Je commençai par me rendre auprès de l’amie de mon beau-frère, et la prier de venir se reposer chez moi. Je la remis aux soins de ma ménagère ; puis, je courus, avec son avoué, chez notre Procureur du Roi, pour lequel il avait une lettre du Garde des Sceaux, et que nous prîmes au saut du lit. Malgré sa répugnance visible à procéder contre un grand propriétaire du pays, il ne put se dispenser de mander un huissier audiencier, auquel il remit la réquisition écrite, que celui-ci réclama, de prêter son ministère à l’exécution de l’ordonnance de