Page:Mémoires du Baron Haussmann, tome 1.djvu/161

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gier, retiré sous sa tente, avec un ressentiment implacable (in alta mente repostum) contre M. Sylvain Dumon, et j’y joignis un dépouillement anticipé du scrutin, établissant que, si M. Barsalou passait, ce serait au troisième tour, en ballottage, avec une majorité de fort peu de voix ; mais, ajoutai-je, rien n’était moins sûr, en somme, qu’un tel résultat.

Quand vint me voir ce candidat, avec lequel j’avais toujours eu de bons rapports à Agen, pour bien établir ma situation à son égard, je lui lus ma correspondance avec le Ministre, le concernant. Il savait déjà, me dit-il, ne pouvoir compter que sur ma neutralité. — « Si vous me voyez à Nérac », lui répondis-je, « c’est que j’entends y faire mon devoir, dans la limite fixée par le Ministre, mais sans en rien omettre. »

M. Barsalou, très ouvertement appuyé par tous les fonctionnaires, notamment, par le nouveau Procureur du Roi, M. Lafitte fils, et les Juges de Paix ; secrètement servi par le Clergé, parcourut l’arrondissement, en y prodiguant dons et promesses, et tint table ouverte, à Nérac, aux approches et pendant toute la durée de l’élection, qui dura trois jours, suivant mes prévisions.

Aux deux premiers tours de scrutin, les voix se répartirent, presque exactement, comme je l’avais annoncé.

Pendant le ballottage, les deux candidats, venus, chacun de son côté, pour me remercier de la correction de mon attitude, se rencontrèrent dans mon cabinet.

On m’apportait, par séries, les noms des électeurs, à mesure qu’ils votaient, et je les distribuais en deux listes, tenues secrètes.