Page:Mémoires du Baron Haussmann, tome 1.djvu/217

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chement jusqu’à notre extrême limite, et même au delà, par une erreur volontaire, afin de terminer une lutte inutile. Quelques coups de fusil d’avertissement, tirés de notre côté, signifiaient : « Vos balles arrivent jusque sur notre territoire : arrêtez le feu ! »

Les malheureux carlistes se voyaient désarmés par nous, à mesure qu’ils se présentaient au port. Beaucoup d’eux, apprenant que leurs fusils seraient remis aux autorités espagnoles, les brisaient ou les jetaient dans des précipices.

C’étaient de fiers soldats et de fameux marcheurs ; car, une fois réunis en colonne, le Brigadier me certifia que, tout harassés qu’ils fussent, ils iraient bien à Saint-Girons, sans étape.

Je rencontrai de grands embarras pour loger cette nombreuse troupe, pour la nourrir et pour la maintenir dans l’ordre, jusqu’à ce que je l’eusse expédiée tout entière, par détachements successifs, avec feuilles de route, sur les différents points d’internements indiqués longtemps à l’avance par le Ministre de l’Intérieur.

Cette opération dura pas mal de temps. Dès qu’elle fut achevée, je priai le Ministre d’autoriser ma rentrée à Bordeaux, en attendant la désignation de ma nouvelle résidence. Par une lettre confidentielle, je lui promettais de lui adresser, de Bordeaux, un rapport détaillé sur la question de Pamiers. Je reçus aussitôt le congé que je demandais, et je quittai définitivement l’Ariège, au commencement d’octobre 1841.

Ma femme, partie depuis la fin d’août, pour Nérac, à petites journées, comme elle en était venue, avait