Page:Mémoires du Baron Haussmann, tome 1.djvu/230

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J’occupais à peine depuis sept ou huit mois cette paisible et très supportable situation d’expectative, quand, le 13 juillet 1842, la mort accidentelle de l’Héritier présomptif du Trône, si fatale à la Monarchie de Juillet, vint me frapper au cœur, aussi bien que mon ancien camarade, Ferdinand Le Roy, cet autre compagnon d’études et de jeux de l’infortuné Prince Royal.

Pour moi, le Duc d’Orléans n’était pas seulement le plus haut et le plus puissant des protecteurs. Depuis le collège Henri IV, il m’avait témoigné la plus amicale et la plus constante sympathie. Chaque fois que j’allais à Paris, il me recevait avec bienveillance, s’informait de ma carrière et me faisait offre de ses services. Mais, heureux de prendre ses conseils, je réservais son intervention pour le jour où mon avancement ne dépendrait plus que d’un suprême effort.

Je séjournais à la campagne, au Bouscat, lorsque je reçus la nouvelle de la terrible catastrophe mettant la France en deuil ; car, le Prince Royal était personnellement très populaire, et l’Armée s’honorait de compter ce brillant soldat parmi ses chefs.

Pour l’avenir de ma carrière, la mort de cet affectueux protecteur était une perte irréparable. J’en ressentis d’autant plus de reconnaissance envers l’excellent baron Sers, qui m’avait fait, de si bonne grâce, une position, exceptionnellement favorable entre tous ses collaborateurs, et qui me rendait la patience plus aisée qu’à bien d autres. Mais, c était un motif nouveau pour ne pas abuser de sa complaisante bienveillance, et pour m’attacher à remplir consciencieusement les devoirs faciles, à tous égards, que m’imposaient, après tout, les fonctions secondaires, peu exigeantes, dont j’avais charge.