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LA RÉVOLUTION DE FÉVRIER.

C’est au cri de : Vive la réforme ! que s’écroula soudain le trône du Roi Louis-Philippe, et, du même coup, la Monarchie de Juillet.

Je garde la conviction profonde que cette catastrophe, dont la conséquence immédiate fut la proclamation de la République et l’établissement du Suffrage Universel, aussi large que possible, aurait été facilement conjurée par une certaine extension du droit de vote, au moyen de l’abaissement du cens électoral, déjà réduit de 300 à 200 francs, en 1830, sans qu’aucun changement appréciable en fût résulté dans l’esprit de la plupart des collèges. On pouvait encore le diminuer, avec confiance dans la sagesse des censitaires, pour ôter aux orateurs de la Gauche le prétexte de l’agitation qu’ils propageaient dans le pays.

Sans doute, cette concession, — de moitié du cens, par exemple, — ne les eût désarmés que pour un temps ; mais l’opinion, satisfaite, ne se serait pas mise à leur suite dans une nouvelle campagne, avant une période de quinze à vingt ans de tranquillité, sur cette question. Or, que fallait-il pour raffermir la Monarchie de Juillet, ébranlée depuis la mort, à jamais regrettable, du Prince Royal, Duc d’Orléans, par les appréhensions que faisaient naître l’âge du Souverain et la perspective d’une Régence après sa mort ? Précisément, un calme politique assez long pour que pussent s’accomplir, d’abord, la majorité du jeune Héritier du Trône, M. le comte de Paris, et, le moment venu, la transmission de la Couronne Royale sur sa tête !