Page:Mémoires du Baron Haussmann, tome 1.djvu/255

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’avais eu de longs entretiens à ce sujet, avec mon Ministre, M. le comte Tanneguy Duchâtel, pendant son séjour en Médoc, aux vendanges de 1847.

Quand il visitait Château-Lagrange, dont les améliorations l’intéressaient beaucoup, il s’y faisait ordinairement accompagner par moi, pour s’aider de mon expérience viticole, dans l’inspection successive des diverses pièces de son cru. Les excellentes récoltes de 1844 et 1846 couvraient déjà la plus grosse part, tout au moins, de son prix d’acquisition, grâce aux travaux de drainage résolument entrepris, sur mon conseil, et sans aucun retard, dans toutes les parties basses de son vignoble, et, lors du séjour dont il s’agit, celle de 1847 promettait aussi d’être fructueuse. Mais, l’état politique du pays se présentait moins riant : il ne craignit pas de s’en ouvrir à moi, dans nos promenades à travers vignes.

J’occupais une position administrative encore trop modeste pour ne pas apporter la plus grande réserve dans l’expression de ma manière d’envisager les gros problèmes politiques dont il se montrait préoccupé. J’osai cependant lui dire, en fin de compte, que, depuis longtemps, j’avais recueilli, sur la question du cens électoral, des observations pratiques, et trouvé presque toujours la même proportion de gens déraisonnables, soit qu’ils fussent aveuglés par la passion ou par l’ambition ; soit qu’ils eussent le jugement faux par nature ou faussé par de mauvais milieux, — parmi les plus gros contribuables que parmi les plus petits.

J’ajoutai que les résultats des élections municipales, dans mes divers arrondissements de Sous-Préfectures, constituaient de bien curieux enseignements à cet égard ; qu’en effet, les listes spéciales qui servaient à ces