Page:Mémoires du Baron Haussmann, tome 1.djvu/345

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fois en possession de ce poste, ils auraient tenu le département entier, le chef-lieu ne se trouva plus, comme garnison, qu’une pauvre compagnie d’ouvriers hors rang, pouvant à peine garder la caserne et mettre un poste (de six hommes !) à la poudrière, voisinage très dangereux pour la ville, dans ces conditions.

Impossible, d’ailleurs, de faire fond sur la Garde Nationale de Draguignan : elle n’existait plus. Après sa dissolution récente et son désarmement, qui ne s’était pas opéré sans difficultés, j’avais dû prendre la précaution de mettre ses douze cents fusils hors de service, en faisant déposer à la caserne les baïonnettes et une pièce détachée de chaque platine.

Assurément, aucun Préfet de France ne se trouvait dans une position si critique. À l’exposé que j’en soumis au Ministre de I’Intérieur, j’ajoutai : « Quoi qu’il arrive, « je ferai mon devoir de mon mieux, jusqu’au bout. » Or, je comptais pour cela sur la Gendarmerie.

Après avoir informé, pour ordre, le Gouvernement, de cette déclaration étrange du général Carrelet, reçue à l’occasion d’une de ces prises d’armes générales dont nous étions menacés périodiquement, que, « dans de telles circonstances, chacun devait se suffire à lui-même », j’organisai, d’accord avec le capitaine Duval, commandant la Gendarmerie du Var, et le lieutenant Morin, qui résidaient à Draguignan, un système de concentration, dans cette ville, des vingt brigades les plus voisines, constituant un effectif de plus de cent hommes, en état de charger les émeutiers à pied ou à cheval, selon le cas. Elles devaient s’y replier discrètement par échelons, en une nuit, au premier signal, et je fis tout