Page:Mémoires du Baron Haussmann, tome 1.djvu/350

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LES CHAMBRÉES.

Le coryphée du parti rouge, à Draguignan, l’avocat Pastoret, présidait le Club de cette ville, composé de 800 garnements à sa dévotion, dont l’insigne faiblesse de la population saine encourageait l’audace, mais qui ne paraissaient pas plus disposés que lui-même à passer des déclamations les pius excessives aux faits ouvertement insurrectionnels, sinon à bon escient ; je veux dire : en cas d’un mouvement sérieux des leurs à Paris, Lyon ou Marseille.

Cet ambitieux, plein de talent et d’habileté, s’était trompé de voie. Après le coup d’État du 2 décembre 1851, le Ministre de la Police Générale, sur l’avis de la Commission Mixte du Var, lui rendit le service de l’expulser de France. Il se fit alors, au barreau de Nice, une position aussi fructueuse qu’importante, accrue encore par l’annexion de 1860. Quand je devins propriétaire, en 1866, de la villa Montboron, je l’acceptai, sur l’invitation de mon notaire, comme défenseur de mes droits dans je ne sais plus quel litige. Il souriait, au souvenir de nos anciens démêlés, et se garda bien de retourner à Draguignan, après 1870, pour y jouir du triomphe de la République.

Mais, en 1849, il entretenait des correspondances avec Ledru-Rollin et Arnaud ; il allait, dans les grandes occasions, prendre le mot d’ordre à Paris, et le transmettait aux chefs de tous les clubs du département. En attendant le jour d’atteindre son but : la Préfecture du Var, je crois, il exerçait dans le parti démagogique une puissance d’autant moins contestée que, pour ne pas risquer