Page:Mémoires du Baron Haussmann, tome 1.djvu/351

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de la compromettre par un échec toujours possible, il s’abstenait de poser sa candidature à l’Assemblée Législative, et se bornait à maintenir l’agitation par des réunions publiques toujours violentes, mais habilement organisées au point de vue légal, dans les communes sur lesquelles il avait une action immédiate.

Après la suppression des clubs, il s’avisa de transformer en « chambrée » celui de Draguignan, métamorphosé tout d’abord, en Comité Électoral, jusqu’à la nomination de l’Assemblée Législative.

Les « chambrées » étaient des cercles de bas étage, où les artisans, ouvriers et cultivateurs des communes de tout ordre se réunissaient, le soir, après leur travail, pour jouer, boire et fumer ensemble. Ces associations, très anciennes et fort répandues en Provence, avaient eu, dans l’origine, un caractère religieux. Toutes celles dont la fondation remontait à des temps anciens, portaient, en effet, le nom d’un saint, patron de la confrérie dont leurs membres faisaient partie autrefois. Beaucoup conservaient certaines habitudes religieuses et charitables ; mais, avec le temps, elles devinrent surtout des réunions de délassement et finirent par prendre une couleur politique, déterminée par celle des journaux qu’elles recevaient. Or, le parti rouge ne manquait pas, depuis 1848, de faire parvenir gratis à toutes : La Voix du Peuple, de Marseille, et Le Démocrate du Var, qu’un de ses affiliés lisait et commentait à haute voix, sans résistance ni contradiction de la part des membres d’opinion modérée, toujours ultrà-prudents, qui, de plus, dans les élections, s’ils ne s’abstenaient pas, se laissaient imposer la direction de ces meneurs, parce que l’usage