Page:Mémoires du Baron Haussmann, tome 1.djvu/352

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voulait que tous les membres d’une même association, confrérie ou chambrée, marchassent ensemble en toute occasion. C’est ainsi que Ledru-Rollin et Raspail eurent tant de voix pour la Présidence de la République dans le Var, où, cependant, au fond, le plus grand nombre des électeurs ne partageaient pas, à beaucoup près, leurs idées politiques.

La plupart des communes possédaient plusieurs chambrées, et le département entier comptait au delà de 900 de ces réunions prétendues privées, dans lesquelles on recevait des invités, ce qui permettait aux orateurs, en tournée, de la République Démocratique et Sociale, d’y faire des prosélytes. J’ajoute qu’un recensement, opéré par mes ordres, portait à 28 000 le nombre de leurs membres. — Une véritable armée !

Je n’avais aucun moyen de combattre la propagande des journaux et encore moins des apôtres anarchistes, dans les chambrées.

Le seul organe politique modéré, bien fait, de tout le département du Var : Le Conciliateur, feuille bi-hebdomadaire, fondée à Draguignan peu de jours après mon arrivée, sous le patronage du parti légitimiste, ne pouvait pas mettre gratuitement à ma disposition 900 de ses exemplaires, et je ne disposais d’aucun fonds pour les payer, même à prix de revient. Tout ce que je pus faire, pour l’aider à vivre, et aussi, pour le maintenir dans son programme d’union de toutes les opinions conservatrices, en vue de la défense de l’ordre social, fut de donner à son propriétaire-directeur, M. Maquan, de la commune de Lorgues, écrivain de mérite, catholique, légitimiste, que m’avait recommandé l’excellent Évêque de Fréjus,