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Page:Mémoires du Muséum d'histoire naturelle - Volume 13.djvu/237

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de M. A. Thouin.

productions d’une manière désintéressée, et cette attention même qu’on leur prête ne découvre pas seulement leurs propriétés utiles ; souvent elle leur en donne. L’action qu’on exerce sur elles pour les mieux observer ; leur changement de climat, de sol, d’exposition ; la nourriture plus ou moins abondante qu’on leur fournit, leur procurent souvent à l’improviste des qualités avantageuses qu’elles n’avoient pas naturellement. Qui auroit cru que la pêche, vénéneuse en Perse, deviendroit autour de Paris le plus délicieux des fruits ; que la vigne sauvage, ces grains acerbes et détestables se changeroient sous la main de l’homme dans ces milliers de sortes diverses de raisins, et produiroient ces vins innombrables dans leurs variétés qui font la joie de la société ; que l’art du distillateur en extrairoit encore ces esprits bases d’une infinité de liqueurs agréables, de remèdes salutaires, agens importans d’une infinité d’arts utiles ? Qui auroit pensé qu’une solanée d’Amérique, qui dans l’état sauvage n’a que des propriétés suspectes, étoit destinée par le grossissement de ses tubercules et leur étonnante multiplication à préserver pour toujours l’Europe de ces famines qui ont si souvent décimé sa population ; qu’elle peupleroit des provinces long-temps désertes ; qu’elle entreroit dans des mets de tous les genres, depuis les plus grossiers jusqu’aux plus délicats ; qu’elle fourniroit jusqu’à du sucre et de l’eau-de-vie ?

C’est d’après des pensées de cet ordre élevé que M. Thouin se dirigeoit dans ses travaux. Toutes les plantes nouvelles lui paroissoient avoir un droit égal à ses premiers soins. Des milliers dans le nombre n’intéressoient que la botanique ; mais parmi elles il s’en trouvoit toujours quelqu’une suscep-