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mémoires du maréchal joffre

guerre et directeur de l'arrière. En même temps, j'étais nommé inspecteur des 7e, 13e et 14e corps d'armée.

Le 2 mai suivant, je prenais part à la première séance du Conseil. M. Fallières présidait ; le général Trémeau était encore vice-président. Il s'agissait de l'organisation défensive des frontières du nord et de l'est. C'était une question qui m'était familière, ayant eu à m'en occuper déjà comme directeur du génie, et mon opinion était faite depuis longtemps. J'estimais qu'il n'y avait lieu de ne classer que les ouvrages en état de présenter une défense sérieuse. Or, sur notre frontière du nord-est, nous avions alors une série de bicoques, absolument hors d'état de résister aux engins modernes ; en persistant à les considérer comme des places, on mettait l'officier chargé de les défendre dans une situation inacceptable.

Aussi lorsqu'on en vint à discuter les places de Montbard, Montmédy, Lomont, Longwy, j'exprimai l'avis qu'elles devraient, comme toutes celles de même nature, être mises, telles qu'elle étaient, à la disposition du général en chef qui les utiliserait le cas échéant comme points d'appui de campagne, s'il n'était pas possible d'en faire des fortifications modernes. Je ne fus pas suivi par les autres membres du Conseil, qui estimèrent que la capacité de résistance de ces places était seulement limitée par les approvisionnements de toute nature qui y serait constitués.

Toutefois je trouvais l'occasion d'exposer à ce sujet une autre idée qui depuis longtemps déjà me préoccupait ; j'indiquai que pour renforcer ces places, il faudrait pouvoir disposer d'un matériel d'artillerie lourde très mobile. Or, sur ce point, nous étions nettement en retard sur les Allemands. Et dans mon esprit ce matériel que je demandais devait servir à deux fins : apte à renforcer la défense des places attaquées et susceptible, d'autre part, de coopérer aux opérations des parcs légers de siège.

La question parut émouvoir le président : il se tourna vers le ministre et lui demanda son avis. Celui-ci reconnut que notre matériel de siège était le matériel de campagne