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mémoires du maréchal joffre

que je voyais de hâter la mobilisation russe et de déclencher aussitôt que possible une offensive avec la fraction des armées russes immédiatement mobilisées ; ma demande prenait toute sa valeur pour le cas plus que probable où la concentration de la majeure partie des armées allemandes se ferait contre nous.

Le grand-duc me donna l'assurance que nous aurions satisfaction ; il comprenait admirablement la nécessité pour l'armée russe, de prendre une offensive rapide, quelques risques qu'une telle attitude pût lui faire courir ; il fallait à tout prix soulager notre front, si les Allemands essayaient, dès le début des hostilités, de venir à bout de nos forces. On a vu, depuis, de quelle généreuse et loyale manière ce grand chef a tenu parole. C'est pour moi un devoir de la dire. Je le redirai plus loin. Et la France a le devoir de ne pas oublier le service que nos alliés nous ont rendu.

En dehors de ces conversations, notre séjour en Russie fut très utile par l'échange de vues qui s'établissait entre les officiers de notre mission et leurs camarades russes. Certains d'entre eux étaient pleins de zèle et cherchaient à s'instruire auprès de nous. En particulier, le grand-duc Serge, grand maître de l'artillerie russe, avait pris en amitié le lieutenant-colonel d'arillerie Dumesnil, et ne le quittait plus, lui posant mille questions pour savoir de quelle manière les artilleurs français résolvaient les différents problèmes du champ de bataille.

Malheureusement, malgré l'accueil sympathique qui nous était fait, nous sentions dans l'entourage même du tsar tout un parti qui nous donnait, sans doute, des témoignages extérieurs d'amitié, mais qui regrettait de voir les dirigeants de la Russie si nettement orientés vers la France. Le ministre de la Guerre Soukomlinoff, en particulier, promettait tout ce qu'on voulait, mais ne tenait jamais rien. Je n'en dirai pas davantage sur cet homme qui est mort à Berlin après la guerre.

Pendant notre séjour au camp, nous assistâmes à des nombreuses manœuvres. Elles nous parurent surtout di-