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Page:Mémoires du maréchal Joffre (1910-1917) T.1.pdf/15

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mémoires du maréchal joffre

à un voyage de l'arrière. Je voulais étudier, cette fois-là, le transport en chemin de fer d'une armée tout entière dans un but stratégique. J'admis que deux armées étaient obligées de battre en retraite en face d'un ennemi supérieur, vers le sud-ouest de part et d'autre de la place de Langres. Une troisième armée, formée à l'intérieur, était mise à la disposition du commandant en chef. Celui-ci la transportait en chemin de fer dans la vallée de la Saône pour la concentrer sur le flanc gauche de l'ennemi.

De toutes ces études je retirai de fructueux enseignements : je conclus, en particulier, que notre règlement sur les transports en cours d'opérations était trop timide, et qu'il y avait lieu de le refondre, en posant, malgré la résistance de ce que j'appellerai le vieux 4e Bureau, le principe de ces transports, au lieu d'être exceptionnels, deviendraient la règle dans la prochaine guerre. En outre je fis étudier un grand nombre de variantes au plan XVI, dans toutes sortes d'hypothèses ; ces travaux avaient pour effet d'assouplir les états-majors et les organes techniques qui se trouvaient ainsi mieux préparés à leur rôle de guerre. En passant je signale que c'est l'une de ces variantes étudiée lorsque j'étais directeur de l'arrière qui devint la variante du plan XVI, réalisée en septembre 1911.

Mais la situation extérieure s'était subitement aggravée. Les mois d'avril, de mai et de juin 1911 avaient été remplis par la marche de nos troupes sur Meknès et Fez. Les Allemands avaient, pour ainsi dire, exigé leur retraite. Les opérations de police que nous poursuivions au Maroc avaient nécessité l'envoi de forces importantes prélevées soit en Algérie-Tunisie, soit sur les troupes coloniales, soit même sur les garnisons de France. Il en état résulté un trouble profond dans l'organisation de notre mobilisation justement dans une période où la fatalité semblait poursuivre les ministres de la Guerre : en effet, depuis la mort du général Brun survenue le 11 février, en six mois, trois ministres s'étaient succédé rue Saint-Dominique. Le dernier, M. Messimy, arrivait au pouvoir dans une heure tragique. Le lendemain même de son installation