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mémoires du maréchal joffre

d'une concentration susceptible de répondre à toutes les manœuvres possibles.

D'ailleurs, lorsqu'il s'agissait de déterminer la zone générale de concentration, il faut remarquer que la difficulté de placer commodément faute d'espace suffisant les masses considérables transportées à la frontière, les servitudes imposées par le tracé des voies ferrées, la disposition des ateliers de débarquement, avaient pour conséquence de restreindre entre des limites assez étroites l'amplitude des déformations qu'on pouvait faire subir à cette zone générale. D'ailleurs, les divers projets d'opérations qu'on pouvait envisager ne se différenciaient guère en ce qui concerne la réunion des armées que par les conditions du groupement et de la densité des forces à l'intérieur de cette zone.

Les effectifs mis en ligne hors de proportion avec le développement de la frontière franco-allemande, c'était sur une largeur correspondant à ce développement que devaient se concentrer les armées françaises. De toute évidence, la ligne de la Meuse en aval de Pagny et celle de la Moselle en amont de Toul jalonnées par nos grandes places fortes, protégées par nos troupes de couverture, devaient constituer le front naturel de notre concentration. Cette ligne me paraissait assez rapprochée de la frontière que nos armées ne perdissent pas le gain de temps réalisé dans la réunion des forces, et pour qu'une trop vaste étendue de territoire ne fût pas abandonnée à l'ennemi au cas où nous serions forcés d'adopter momentanément une attitude défensive.

A l'abri de cette barrière, nos armées pourraient effectuer leurs débarquements en toute sécurité, se grouper à la demande du plan d'opérations que j'aurais choisi, et se former ensuite soit pour recevoir l'ennemi, soit pour entamer des opérations offensives.

Cette solution me semblait favorable, car elle nous plaçait dans une position stratégique centrale, permettant l'offensive ou la défensive face à l'est, si l'ennemi débouchait directement d'Alsace-Lorraine ; elle nous permettait