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mémoires du maréchal joffre

d'infanterie doubles de ceux du temps de paix ; le projet prévoyait pour chaque corps d'armée l'affectation d'un groupe de 155 Rimailho à deux batteries.

Pour bien comprendre l'émoi qu'une telle proposition était alors capable de susciter, il est nécessaire de se reporter à la mentalité politique de cette époque ; car, si singulier que cela puisse paraître, cette question des réserves était devenue une question politique.

D'une part, les partis de droite soutenaient que la seule véritable force sur laquelle pouvait se reposer la patrie pour sa défense était l'armée active ; ils se déclaraient hostiles au principe de la Nation armée dans lequel ils voyaient l'amorce d'une armée milicienne ; ils ne consentaient à envisager l'emploi des réservistes que comme appoint, nécessaire d'ailleurs à l'armée du temps de paix pour porter celle-ci à ses effectifs de guerre ; convaincus que la guerre serait de courte durée, ils ne consentaient à faire état que de cette armée active dont ils faisaient le pilier de tout l'édifice national. Dès lors aucun sacrifice ne leur paraissait trop grand qui serait destiné à renforcer celle-ci. Quant aux formations de réserve, en raison de leur médiocre encadrement, de la nécessité où nous étions de faire état de tous les réservistes et par suite d'hommes relativement âgés, ils leur déniaient toute solidité et toute aptitude à participer à des opérations de guerre proprement dites ; il n'en envisageaient l'emploi, après qu'elles auraient été soumises à un entraînement préalable, que pour des besognes secondaires.

Les partis de gauche, au contraire, ne concevaient que la Nation en armes, n'admettaient point de service à long terme, mais seulement quelques mois d'instruction, destinés à former le soldat citoyen rappelé sous les armes au moment de la guerre. Et on se souvient des discussions soulevées par Jaurès lorsqu'il public son livre célèbre : L'Armée nouvelle.

A la lumière de l'histoire de la longue guerre que nous avons supportée, il est clair que les uns comme les autres exagéraient et que la vérité était, comme souvent, entre