Le ministre de la Guerre à l'énergie duquel je tiens à rendre hommage allait peut-être un peu loin. En ce qui concernait le général Bonneau, si celui-ci avait fait preuve d'incapacité à passer de la mentalité du temps de paix à celle du temps de guerre, c'était une indication que son caractère n'était pas à la hauteur des circonstances, mais ce n'était pas une raison pour le traduire devant un Conseil de guerre. En temps de paix, il est difficile de juger les hommes au point de vue du caractère qui, en dernière analyse, est la qualité essentielle d'un chef à la guerre. Il fallait m'attendre à trouver des défaillances et des surprises ; ma résolution était prise : j'écarterai les chefs incapables, et je les remplacerai par des chefs plus jeunes et plus énergiques.
Je reçus, en effet, comme le ministre me l'avait annoncé, la visite du général Pau. Je le mis au courant de la situation et de ce que j'attendais de l'armée d'Alsace. En outre, je lui demandai d'envoyer, dès qu'il aurait pris contact avec ses troupes, un rapport accompagné de propositions. Enfin je lui donnai comme chef d'état-major l'un des officiers de mon état-major dans lesquels j'avais le plus de confiance, le lieutenant-colonel Buat[1].
- ↑ Le général Pau avait songé à prendre comme chef d'état-major le général Roget. Mais celui-ci avait soixante-huit ans, il
lettre personnelle de M. Messimy qui me parvint le 10 août au soir. La voici :
Mon cher Général,
Je tiens à vous redire ce que je vous ai fait téléphoner par Ebener : "Si un chef placé sous vos ordres, quel que soit son grade, faisait montre de faiblesse, de pusillanimité, il devrait instantanément être déféré au Conseil de guerre et jugé. Les peines les plus sévères, y compris la mort, devraient lui être appliquées. Le président de la République renonce, dans la plupart des cas, à user de son droit de grâce. Vous en recevrez notification. Nous entendons, puisqu'on nous a déclaré la guerre, la faire révolutionnairement comme en 1793.
A vous,