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Page:Mémoires du maréchal Joffre (1910-1917) T.1.pdf/278

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mémoires du maréchal joffre

part de responsabilité à l'insuffisance du commandement et il concluait en me demandant le remplacement du général Bonneau. Je l'acceptai sur-le-champ et nommai au 7e corps le général Vautier.

Au sujet de ces mutations, je dois dire ici que me rendais parfaitement compte de l'illégalité que je commettais en les prononçant : les officiers généraux auxquels je retirais leur emploi tenaient leur lettre de commandement du ministre et, régulièrement, seul le ministre pouvait les en déposséder. Je comprenais parfaitement que si nos affaires marchaient bien, je serais vraisemblablement couvert, mais que si les évenements tournaient à notre désavantage, on ne manquerait pas de me reprocher ces initiatives. Néanmoins, conscient des responsabilités que j'assumais dans le pays, je n'ai pas hésité à prendre ces mesures qui me semblaient absolument nécessaires et urgentes. Depuis, il m'est arrivé bien souvent d'être obligé de recourir à ces mesures de disgrâce, mais je puis le dire en toute conscience, que je n'en ai pris aucune sans avoir la conviction que je travaillais au salut du pays. Beaucoup de ces exécutions m'ont coûté, et qu'on veuille bien me croire si je dis aujourd'hui, avec toute la sérénité que donnent plusieurs années de recul, que je ne crois pas avoir eu à accomplir, au cours de ma carrière, d'actes de commandement plus difficiles et plus ingrats que celui qui consistait à relever de leurs emplois des généraux parfaitement honorables, dont certains comptaient parmi mes amis, mais dont l'expérience de la guerre prouvait que le caractère n'était pas à hauteur des circonstances. Je dois dire que si je puisais dans ma conscience la force d'accomplir ce difficile devoir, je sentais chez le ministre de la Guerre un appui auquel je rends hommade et qui me donnait une grande tranquilité d'esprit. Mais les ministres ne sont pas immortels.

Cependant, tard dans la soirée du 13, une grande et heureuse nouvelle nous parvenait : le grand-duc Nicolas Nicolaïevitch nous informait par l'intermédiaire de M. Paléologue que les armées de Vilna et de Varsovie prendraient