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mémoires du maréchal joffre

De l'ensemble de ces nouvelles, il ressortait la nécessité de pousser entre Sambre et Meuse la gauche de la 5e armée qui viendrait ainsi renforcer notre position enveloppante par rapport à l'aile droite allemande : celle-ci allait se trouver prise entre l'armée belge dont la situation continuait à nous être dépeinte comme assez favorable, la place de Namur et la 5e armée postée derrière la Meuse en amont de Namur.

Les ordres nécessaires furent lancés dans la soirée du 15 et la matinée du 16.


Dimanche 16 août. — Le 16 à midi, le maréchal French, depuis la veille à Paris, vint me voir accompagné de son chef d'état-major le général Murray. C'était la première fois que je voyais le commandant en chef de l'armée britannique. Il avait été reçu la veille par le président Poincaré, et très favorablement impressionné par l'atmosphère de confiance qu'il avait trouvée dans les sphères officielles. Il me donna tout de suite l'impression d'un loyal camarade de combat, attaché à ses idées et désireux, tout en nous apportant son concours, de ne pas compromettre son armée. Il me fit comprendre que les instructions de son gouvernement lui précisaient qu'il devait se considérer comme indépendant et qu'il ne pourrait nous apporter que la collaboration de son armée. Je comprenais très bien ce point de vue ; il était naturel que l'Angleterre ne consentît pas à subordonner ses troupes à un commandant allié. Je ne m'étais jamais fait d'illusions à ce sujet, tout en pressentant que le manque d'unité de commandement dans les forces alliées de gauche serait une grave cause de faiblesse. Il fallait prendre les choses comme elles se présentaient et tâcher d'en tirer le meilleur parti par une collaboration aussi confiante que possible.

Notre conversation porta ensuite sur la date à laquelle l'armée anglaise serait prête à entrer en opérations. J'avais compté sur le 21 août, mais le maréchal me fit connaître qu'à cette date son armée ne pourrait que pousser en avant de petits détachements qui protégeraient le débarquement