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mémoires du maréchal joffre

évidemment dans la région de Liége une accumulation de forces assez troublante. L'ennemi allait-il se décider à marcher à cheval sur la Meuse entre Givet et Bruxelles ? Ou bien, ainsi que nous l'avions admis jusque-là, n'engagerait-il au nord de la Meuse qu'une faible partie de ses forces, en cherchant avec le gros de son gorupement nord laissé au sud du fleuve à attaquer de flanc la gauche de notre 4e armée engagée contre le groupement central allemand ?

Dans la première éventualité, notre 5e armée opérant en liaison avec les armées britannique et belge, chercherait à déborder l'aile droite ennemie par le nord, pendant que nos armées du centre, 3e et 4e, attaquerait le groupement central ennemi du sud au nord en direction générale de Neufchâteau. J'étais en droit d'espérer que la 5e armée grossie du quatrième groupe de divisions de réserve, du 18e corps venu de la 2e armée, appuyée à la forteresse de Namur, pourrait accomplir cette mission. Quant à l'attaque des 3e et 4e armées, nous y consacrions, dans la pensée, 19 divisions actives sur 48.

Dans la deuxième hypothèse, les armées belge et anglaise seraient vraisemblablement suffisantes pour tenir en échec les forces allemandes du nord de la Sambre et de la Meuse ; quant à la 5e armée, elle se rabattrait par Givet et Namur sur la direction de Marche contre le flanc du groupement du sud de la Meuse.

Je prévins de ces projets le général Lanrezac et les communiquai également au roi des Belges et au maréchal French en leur envoyant le lieutenant-colonel Brécard porteur des instructions que je venais de donner aux armées françaises de gauche[1].

  1. Le lieutenant-colonel Brécard arriva à Louvain, quartier général du roi, dans la soirée du 18. Il y apprit la retraite de l'armée belge. Il n'avait pu rencontre, à son passage au G. Q. G. anglais, le maréchal French. Ce dernier me répondit le 19, sans me faire d'objection : "Vous envisagez deux hypothèses : la première correspond au cas où la masse importante de 4 à 6 corps d'armée passerait au nord de la Meuse ; vous vous opposerez au mouvement