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mémoires du maréchal joffre

Je me trouvai ainsi en face, d'une part, d'un plan en vigueur qui, manifestement, ne correspondait évidemment pas à l'hypothèse de manœuvre allemande la plus vraisemblable, et d'autre part, d'un projet qui exagérait l'importance de cette hypothèse, et comportait les plus dangereux aléas.

Il fallait tout d'abord déterminer exactement les probabilités de violation de la Belgique par les Allemands. D'une manière plus générale, que savions-nous de leur préparation à la guerre et qu'en pouvions-nous conclure ?

Notre service de renseignements, quoique désorganisé depuis quelques années pour des raisons politiques, avait eu connaissance du plan de mobilisation établi en 1907 par l'état-major allemand, et qui était encore en vigueur chez nos adversaires. Partant de cette base qui semblait solide, on admettait que l'Allemagne mobiliserait initialement contre la Russie la valeur d'une vingtaine de divisions dont moitié environ de réserve, trois divisions de cavalerie, et contre la France, soixante-cinq divisions environ dont un tiers de réserve et huit divisions de cavalerie. Dès le treizième jour la totalité des unités destinées à participer aux opérations actives pouvaient être rassemblées sur la base de concentration.

Nous croyions savoir que le plan du vieux Moltke avait été abandonné. Schlieffen, son successeur, chef du grand état-major allemand jusqu'en 1906, l'avait conservé jusque vers 1894, date du traité d'alliance franco-russe. A partir de ce moment, il semblait avéré que Schlieffen avait renversé le plan, comptant prendre d'abord l'offensive contre la France, en conservant une attitude défensive contre la Russie. Il paraissait à de nombreux indices que le successeur de Schlieffen, Moltke le jeune, avait fait sienne cette conception.

Ainsi donc, selon toutes probabilités, les Allemands prendraient l'offensive immédiatement sur notre front.

Sur le plan d'opérations offensives contre la France nous ne savions rien de précis.

Cependant l'étude des quais de débarquement et du