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projet de plan du général michel

justement préoccupé de la possibilité d'une invasion allemande par la Belgique. Ce projet, qui était la conséquence de la réorganisation générale qu'il avait proposée, constituait la deuxième partie de la note qu'il avait remise au ministre en janvier 1911 : elle n'avait pas été communiquée au Conseil supérieur de la guerre dans la séance du 16 juillet.

La général Michel, dans cette note, admettait a priori la violation de la Belgique. Il constituait un dispositif extrêmement étiré, une sorte de cordon étendu tout le long de notre frontière de la Suisse à Dunkerque. Le centre de gravité de nos forces se trouvait cette fois reporté à l'extrême gauche ; sur le front de Lorraine il ne laissait que les deux corps d'armée de couverture ; les réserves générales se réduisaient à cinq divisions dans la région de Paris, trois divisions coloniales à Troyes, le 19e corps d'armée vers Dijon, les Anglais dans la région de Soissons.

Manifestement, en plaçant la plus grande densité de ses forces à gauche, le général Michel cherchait à compenser par la concentration de ses troupes l'infériorité des lignes naturelles et des défenses artificielles de la frontière franco-belge.

Mais un tel plan nous exposait, par contre, à une rupture soit de notre centre, soit de notre droite, risquant d'ouvrir à l'ennemi le cœur du pays, et permettant à nos adversaires, en cas de succès, de rejeter nos armées dans une direction excentrique et de couper nos lignes d'opérations. Il était possible, à propos de ce plan, de reprendre les termes fameux de la note que Napoléon adressait en 1808 au major général Berthier : "Est-ce qu'on veut donc empêcher la contrebande ? doit-on revenir à ces bêtises-là ?" Qui pouvait nous assurer qu'ayant pénétré nos intentions, les Allemands ne changeraient pas leur plan d'opérations pour marcher sur Paris par la Lorraine, en rejetant le gros de nos forces dans la région du Nord ? Dans une telle situation les réserves prévues eussent été insuffisantes pour rétablir la situation.