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CHAPITRE II


Les transformations de l'armée de 1911 à 1914.
L'évolution des doctrines.


La première question qui se posait à moi était de savoir quelle orientation générale il fallait donner à l'ensemble de notre organisme militaire dont j'avais maintenant la responsabilité. Avant tout, il fallait doter notre armée d'une doctrine de guerre ferme, connue de tous, et unanimement acceptée.

Pour bien saisir l'état moral dans lequel se trouvait l'armée au début de 1912, il est nécessaire de jeter un rapide coup d’œil en arrière.

Après 1870, notre stratégie avait été dominée par le fait que nous ne comptions faire qu'une guerre de défense ; impressionnés par les victoires allemandes, convaincus de notre infériorité militaire vis-à-vis de nos voisins de l'Est, nous avions tout d'abord cherché notre sauvegarde dans la fortification permanente. Nous avions élevé, selon le programme tracé par le général Séré de Rivière, une barrière de forts le long de notre frontière. En raison du médiocre rendement de notre réseau ferré, la concentration de nos forces actives était plus lente que celle des Allemands ; aussi ne l'envisageait-on que faite à l'abri de cette zone fortifiée, et destinée à livrer une série de batailles défensives sur les crêtes concentriques du bassin parisien. On espérait ainsi épuiser les armées allemandes, et arracher à leur lassitude une difficile victoire. Médiocre conception, à la vérité, tout entière dominée par la hantise de la puissance