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Page:Mémoires du maréchal Joffre (1910-1917) T.1.pdf/414

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mémoires du maréchal joffre

raisons qui me poussaient à poursuivre le mouvement en arrière, nos troupes avaient la mentalité non d'une armée battue, mais d'une armée qui manœuvre. En outre, les renforts venus de l'intérieur avaient comblé dans nos rangs les lourdes pertes du début.

Si je croyais pouvoir compter sur le moral de nos soldats, et si j'étais sûr d'être compris d'eux en leur disant que le sort de la patrie était en jeu, je pensais, par contre, que le moral de l'ennemi devait être à son plus haut degré. Mais, à y réflechir, là était le danger pour nos adversaires beaucoup plus que pour nous-mêmes ; nous pouvions escompter l'effet de surprise que ne manquerait pas de produire sur eux notre offensive soudaine dans un moment où ils croyaient n'avoir plus qu'à balayer les débris d'une armée en déroute.

D'autre part, les corps d'armée qui devaient venir renforcer les points sensibles de notre ligne de bataille étaient encore en cours de transport, notamment le 15e destiné à la 3e armée, le 21e qui allait renforcer la 4e, et une division du 9e qui rejoignait la 9e. Et cette considération me faisait regretter davantage l'obligation d'engager la bataille le 6 septembre.

Enfin, depuis le 4 septembre, la bataille avait repris avec une violence nouvelle sur le front de Lorraine. Là, l'ennemi cherchait à s'emparer de Nancy, tout en menant en Woëvre une action menaçante pour les derrières de notre 3e armée ; sur le front de la 1re armée, il manifestait heureusement moins d'activité, mais en raison de la réduction de ses effectifs, le général Dubail devait se borner à conserver ses positions. Commencées dans l'après-midi du 4, les attaques allemandes se poursuivirent dans la journée du 5 sur le front Gerbéviller, forêt de Champenoux. Dans la soirée de ce jour, le général de Castelnau me rendait compte que la supériorité du nombre, la puissanc et la portée de l'artillerie ennemie, dont les équipages de siège avaient fait leur apparition sur le front, ne permettaient pas d'escompter une résistance prolongée de la part de la 2e armée. "Dans ce cas, disait-il, où je serais