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mémoires du maréchal joffre

Dans le compte-rendu dont je viens de citer quelques lignes, Maunoury faisait allusion à une tâche nouvelle confiée au corps de cavalerie.

Cette masse de trois divisions était admirablement placée à notre extrême gauche, et aurait dû nous rendre les plus grands services. Malheureusement, alors que la guerre était à peine commencée depuis un mois, le corps de cavalerie Sordet était tombé à un état d'épuisement inquiétant. Le raid à peu près inutile qu'il avait exécuté en Belgique, puis la retraite jusque dans le sud-ouest de Paris lui avaient déjà imposé d'énormes fatigues. Mais les événements n'étaient pas seuls responsables de cette ruine ; le commandement à tous les échelons y était pour une grande part. C'est ainsi que le 7 septembre, le général Sordet, après avoir engagé son corps de cavalerie dans la région de Betz, décida, à la nuit, sous prétexte que la région dans laquelle il opérait manquait d'eau, de ramener ses divisions à Nanteuil-le-Haudoin, où elles n'arrivèrent qu'à minuit. En apprenant ce recul, le général Maunoury ordonna à Sordet de se reporter en avant, et la cavalerie, après un repos d'à peine une heure, dut refaire en sens inverse le chemin déjà inutile qu'elle venait de parcourir. Sur la proposition du commandant de la 6e armée, je me décidai à relever le général Sordet de son commandement et à le remplacer par le général Bridoux, commandant la 5e division de cavalerie. J'avais une grande estime pour Sordet, et il m'avait paru, avant la guerre, justifier toute ma confiance. Sans doute, était-il victime de ce que son arme n'avait pas suffisament évolué dans les années qui précédèrent la guerre. Quand au général Bridoux, il était plein d'allant, et il aurait fait rendre à son corps de cavalerie les plus grands services, s'il n'avait été malheureusement tué, presque au lendemain de sa prise de commandement : en effectuant de nuit un déplacement en automobile, une erreur d'itinéraire le fit tomber avec son état-major dans un poste ennemi : il fut blessé mortellement et plusieurs de ses officiers tués ou blessés avec lui. Ce fut un malheur.