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la bataille de la marne

La journée du 9 septembre semble bien avoir marqué l'effort suprême accompli par l'ennemi pour se tirer de la situation dans laquelle il se trouvait.

La 6e armée réussit tout d'abord à garder ses positions ; l'ennemi marqua même dans la région de Betz un léger recul, et il évacua ce village. Mais, dans l'après-midi, les IIIe et IXe corps allemands, débouchant par le nord-est et par le nord, firent céder la gauche française et la forcèrent à se replier sur le front Chèvreville, Silly-le-Long. Maunoury rappela aussitôt la 8e division, comme je l'y avais invité, et la dirigea par une marche de nuit vers la gauche de son armée. De mon côté, je m'étais préoccupé dans la matinée de prélever sur la 5e armée une division d'infanterie que je prescrivis de diriger d'urgence par voie ferrée vers Dammartin-en-Goële. En avisant le général Maunoury de l'arrivée de ce renfort, je lui fixai l'attitude à observer : "En attendant l'arrivée des renforts qui vous permettront de reprendre l'offensive, vous devez éviter toute action décisive, en repliant votre gauche, s'il en était besoin, dans la direction général du camp retranché de Paris."

D'ailleurs, à aucun moment, malgré la violence des attaques dont il était l'objet, le général Maunoury ne perdit de vue sa mission, et n'abandonna l'intention de reprendre l'offensive, comme en témoigne le télégramme qu'il m'adressa après que sa gauche eut effectué son repli : "...j'aurai la 8e division près de Silly-le-Long, et je donnerai alors l'ordre d'attaquer. Très grosses pertes pendant les quatre jours de combat. Le moral reste bon. La cavalerie envoyée au loin."

L'opiniâtreté des combats livrés par la 6e armée, les efforts imposés aux troupes, la ténacité et le sang-froid de son chef obtinrent cet immense résultat de rendre relativement facile la victorieuse progression de French et de Franchet d'Esperey. J'en exprimai personnellement ma satisfaction au général Maunoury et à son armée. La grand'croix de la Légion d'honneur vint marquer au commandant de la 6e armée à quel prix j'estimais le service qu'il venait de rendre au pays.