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mémoires du maréchal joffre

A l'autre aile de ma ligne, il importait de donner une impulsion énergique pour la faire sortir de sa léthargie. J'orientai le général Sarrail, le 12 septembre, sur la manœuvre que j'attendais de lui : "...Il est à présumer que les forces ennemies qui sont en face de la 3e armée ne tarderont pas à se replier elles-mêmes sous la pression de la 4e armée. En présence de cette éventualité, vous devez disposer vos forces de façon à pouvoir entamer une poursuite énergique vers le nord par les terrains libres entre Argonne et Meuse, en vous appuyant aux Hauts-de-Meuse et à la place de Verdun".

Je suis obligé de dire que l'exécution ne répondit pas à mes intentions.

A gauche, le général Maunoury ne comprit pas ma pensée. Il avait rencontré sur les plateaux au nord de l'Aisne une résistance qui absorba immédiatement son attention et ses forces ; il ne sut donner à son aile gauche ni un ampleur ni des moyens suffisants, et il tarda pas à tomber dans un stérile combat de front.

Franchet d'Esperey, de son côté, n'exploita pas la situation favorable dans laquelle il se trouvait. La manœuvre à exécuter reposait sur une marche rapide au delà de la Vesle, qui eût largement dégagé Reims et contraint les Allemands à lâcher le Chemin des Dames où ils opposaient une résistance énergique aux Anglais. La 5e armée était fatiguée, certes, comme toutes les autres, et comme sont toujours les armées au lendemain d'une victoire chèrement disputée. Sans méconnaître la difficulté à laquelle il se heurtait, je dois dire que Franchet d'Esperey perdit du temps. Le trou qui existait devant lui dans la ligne ennemie et qui avait permis à des éléments de notre cavalerie de pousser jusqu'à Sissonne, se ferma et tout le front adverse se stabilisa aux abords immédiats de Reims dont la lente destruction commença.

Enfin, à notre droite, Sarrail ne comprit pas, lui non plus, le rôle décisif que son armée pouvait jouer dans ces circonstances. Plus occupé de questions de personnes que des opérations de son armée, il ne fit pas sentir son impul-